Français : Dirigeable Pax d'Augusto Severo qui allait exploser en vol. Image tirée de : La navigation aérienne, histoire Documentaire et anecdotique, J. Lecornu, 1903 [1]

Récit de la catastrophe du Pax par Lecornu :
« Tout le monde a encore présent à la mémoire le terrible drame du lundi 12 mai 1902, épilogue de la tentative de M. Severo. Depuis plus de quinze jours le Pax, complètement terminé, attendait sous son hangar un temps favorable pour effectuer une expérience décisive. De nombreux visiteurs étaient venus admirer le magnifique aérostat dont l'inventeur faisait les honneurs avec une bonne grâce et une cordialité qui lui conciliaient toutes les sympathies ; cependant quelques-uns ne pouvaient s'empêcher de redouter une catastrophe en remarquant que M. Severo avait commis la même erreur que le malheureux ingénieur allemand Wœlfert^[1], dont nous avons raconté la fin tragique : il avait tellement rapproché la nacelle du ballon qu'une distance de 2 m à 2 m5o à peine séparait celui-ci des moteurs à essence. N'y avait-il pas à craindre que, comme dans le cas de Wœlfert, le moteur ne communiquât le feu à l'hydrogène? On le sait, ce fut ce qui arriva, et les détails de l'explosion du Pax sont tellement identiques à ceux de l'accident de Wœlfert que le même récit s'applique mot pour mot aux deux catastrophes. Le 12 mai, à cinq heures du matin, le temps si mauvais depuis quelques jours sembla enfin s'embellir: une faible brise acheva de dissiper les nuages. Plein de joie et d'impatience. M. Severo fit aussitôt ses préparatifs de départ : il prit place au moteur d’avant et son aide, le mécanicien Sachet, se mit au moteur d’arrière. Un ami de M. Severo, M. Alvarro, qui devait l'accompagner, eut la bonne inspiration de s'abstenir au dernier moment. A 5 heures et demie, le Pax; sorti de son hangar, s'élevait dans les airs pour se diriger vers le champ de manœuvres d'Issy-les-Moulineaux, au-dessus duquel il devait évoluer. "A tout à l'heure à Issy!" cria M. Severo, plein de confiance et d'espérance dans le succès, à sa femme et à ses amis qui partirent en automobile dans cette direction. On vit distinctement les moteurs se mettre en marche, les hélices tourner, et le ballon, obéissant à leur impulsion, évoluer légèrement dans l'espace. Mais bientôt, on put se rendre compte que quelque chose d'anormal se passait : les moteurs ne fonctionnaient plus : on aperçut les deux aéronautes faire de grands gestes, et le ballon, livré à lui-même, dériver du côté de l'avenue du Maine. Soudain une flamme apparut, bientôt suivie d'une violente détonation qui jeta l'émoi dans le quartier encore endormi : le ballon venait d'éclater, il se trouvait alors à quelque quatre ou cinq cents mètres d'altitude : ce fut un spectacle épouvantable : une gerbe de flammes immense s'élança vers le ciel comme une gigantesque flambée de punch, et la carcasse rigide du ballon, supportant la nacelle, s'abîma à terre en l'espace de quelques secondes et s'écrasa sur la chaussée de l'avenue du Maine, à la hauteur du carrefour de la rue de la Gaîté. Les deux malheureux aéronautes étaient littéralement écrasés ; le mécanicien Sachet était en outre brûle affreusement. Il est aisé de se rendre compte de ce qui s'était passé : à peine élevé en l'air, le gaz du ballon, dilaté par les rayons du soleil et par la diminution de la pression extérieure en raison de l'altitude atteinte, aura fusé par la soupape inférieure du ballon et sera venu lécher les parois du moteur où il se sera enflammé, la courte distance qui séparait le ballon du moteur n'étant pas suffisante pour que l'hydrogène pût se diluer dans l'atmosphère. Puisse au moins ce terrible exemple, venant après celui de Wœlfert, convaincre les inventeurs de ballons dirigeables que le danger est grand de rapprocher la nacelle du ballon lorsque l'on fait usage du moteur à essence ! »